• Résumé de l'histoire complexe d'un simple territoire: le Pays Quint (en français), Quinto Real (en espagnol) ou Kintoa (en basque).

    Voici l'histoire "surfée" d'un bout de terrain Franco-Espagnol partagé par les vallées de Baigorri, actuelle vallée des Aldudes en Basse-Navarre (France), de Erro et de Baztán dans l'actuelle Communauté Forale de Navarre ou Comunidad Foral de Navarra (Espagne).

    En 824, les vascons fondent le royaume de Navarre.
     
    En 1237, la couronne du royaume de Navarre (Teobaldo I ou Théobald 1er ou encore Thibaut de Champagne, 1201 Troyes -1253 Pamplona, roi de Navarre de 1234 à 1253) décida d'imposer les éleveurs de porcs situés sur son territoire en appliquant le droit féodal du Quint qui correspondait au cinquième de la valeur de leurs élevages. Donc rien à voir avec Charles Quint, les porcs s'en "glandent". Le nom de Quinto Real fut ainsi donné au territoire soumis à cet impôt, Kintoa en basque et Pays Quint en français.

    Au 14 ème siècle, le Quinto Real également nommé Monte Alduide qui appartenait à la vallée de Erro, était exploité par la vallée de Baigorri (Baïgorry).

    En 1505, le vicomte d'Echauz (Baïgorry) concède ses droits par une facerie à la faveur de la vallée de Baztan. Les vallées de Erro et de Baztan se partagent la propriété du Monte Alduide.

    En 1512 le royaume de Haute-Navarre ainsi qu'une partie de la Basse-Navarre (Jean III d'Albret) est conquis par les armes par le royaume Aragon (Ferdinand le Catholique) et sera intégré en 1516 au royaume d'Espagne.

    En 1528 Carlos V (Charles Quint) renonce à la Navarre. Il n'en avait rien à "glander".

    Pendant ce temps dans le Quinto Real, territoire resté indivis entre les vallées de Erro, du Baztan et de Baigorri, des tensions vont naître au début du 16 ème siècle, concernant la propriété et les usages des pâturages. Des incendies de bordes et de récoltes, des vols de bétail entraîneront des affrontements armés.

    En 1589, la Basse-Navarre, indépendante, intégrera la couronne de France lorsque Henri III de Navarre montera sur le trône de France. Il deviendra Henri IV roi de France et de Navarre. Celui qui prenait des pots avec les "poules" et non pas la poule au pot.


    En 1612, une conférence de paix est organisée sur le nouveau pont d'Arnégui qui enjambe la rivière de Valcarlos actuelle Nive d'Arnéguy, construit pour la circonstance, avec une caseta (baraque) au milieu dans laquelle il y avait deux tables séparées par une ligne peinte en blanc pour recevoir les délégations venues négocier.  

    Les capitulations royales de 1614 qui accorderont la jouissance de la zone Nord  du Quinto Real ou Monte Alduide à la vallée de Baigorri, et le traité des Pyrénées du 7 novembre 1659 ne solutionneront pas les conflits.

    En 1702, des conférences eurent lieu entre les commissaires français et espagnols assemblés à Arneguy "pour regler les differents survenus au sujet des montagnes D'Aldude". Ces conférences débutèrent le 16 septembre "on s'assembla le même jour sur les neuf heures et demye du mati. (matin)
    Messieurs les comm.res (commissaires) de france accompagnés de plusieurs gentilshommes de basse Navarre s'avancerent vers le lieu de la conference. Et M.rs (Messieurs) les comm.res (commissaires) d'Espagne Se mirent en chemin en même temps affin d'arriver sur le pont dans le meme moment.
    Ils entrêrent en même temps dans la chambre bastie pour les conferences chacuns par la porte qui êtoit de leur costé, et s'estant assis aux deux costés d'une table longue posée au milieu de la chambre et sur la ligne qui marquoit la separaon (séparation) des deux Royaumes. Monsieur Lebret fit quelques complimens en latin ausquels D. juan de Riomel aiant repondu en Espagnol. M. Lebret continua en françois..." Si les conférences débutèrent avec de bonnes intentions, très vite les commissaires s'aperçurent qu'ils n'étaient pas investis des mêmes pouvoirs. Les français étaient chargés de "terminer les differens qui sont survenus entre les Sujets des deux couronnes au sujet de l'usage et jouissance des Montagnes D'aldude" et les espagnols étaient chargés "de planter des Bornes pour separer les deux royaumes"...


    Le 27 août 1785, le traité de Elizondo fixera la frontière entre la France et l'Espagne mais toujours pas la fin des conflits. L'abornement "pour le partage et la division des aldudes ou Quint Roïal et de val-carlos" débuta le lundi 29 août 1785 sous la direction du comte François Marie d'Ornano pour la France et de Messire don Ventura de Caro pour l'Espagne "sur la Montagne de Beorzu et au terme qui divise les aldudes ou Quint Roïal d'avec la vallée et université de Bastan en la haute Navarre". Comme premier repère, une borne fut placée "au dit lieu de Beorzu et a trois toises de distance du Rocher d'harguibel dans sa partie occidentale et sur les versans des aldudes et de Bastan avec une croix sur chacune de ses faces qui sont tournées vers les aldudes et Bastan", le 5 ème repère fut une borne "avec des croix sur ses faces qui sont tournées vers Baigorry et Bastan, à l'extremité de Beorzubustan et au lieu appellé harriluch les coins de cette borne indiquent la ligne droite qui suit d'ici a Ysterbeguy monhoa, et c'est ici encore qu'on abandonne les versans de Baigorry et de Bastan". Le 30 août 1785, le 17 ème repère, une borne fut placée à la droite du cours de "la riviere de Sabiondo" actuellement nommée Lohitzeko Erréka. Le 31 août 1785, le 20 ème repère fut une borne placée "au somet le plus élevé d'Ysterbeguy-monhoa" actuellement nommé Ichterbegui "on a sculpté deux croix a cette borne comme étant a l'un des principaux points de la ligne où elle forme un angle, en tirant une autre ligne droite a Lindus monhoa". Le 2 septembre 1785, une borne en tant que 44 ème repère, fut placée "au sommet de lindus monhoa ou Goiticoa qui est un des points principaux de la ligne, et a deux cent seize toises de distance de la précédente" et en tant que 46 ème repère, une borne fut placée tout près de l'actuel col de Lindus "a la cime la plus immediate de lindus Balsacoa qui verse les eaux d'une part a Val-carlos et de l'autre a aguira ou hayra. Il a été sculpté deux croix aux deux faces de cette borne, et un angle audessus qui denote celle que forme la direction de la ligne qui vient d'Isterbeguy-monhoa et lindus monhoa avec celle qui depuis cette borne se forme en suivant la chaine des versans de val-carlos et aguira ou hayra. Et les députés de la vallée de Bastan et de la Paroisse de Burguette se sont retirés n'aïant plus aucun interet dans la démarcation qui doit suivre dans cette partie".

    Le traité de Bayonne du 2 décembre 1856, la convention additionnelle du 23 décembre 1858 et ses annexes, délimitent le Quinto Real en deux zones, le Quinto Real Septentrional au Nord de la ligne de partage des eaux ou "Divisoria" dont les habitants de Baïgorry acquerront la jouissance exclusive et perpétuelle de ces pâturages moyennant une rente annuelle et le Quinto Real Méridional au Sud de la ligne de partage des eaux dont les vallées de Baztan et d'Erro accordent aux troupeaux de la vallée de Baïgorry, la compascuité avec ceux des espagnols dans les terrains communaux et vagues de ce versant méridional de l'ancien Pays-Quint, moyennant un fermage que le Trésor français aura à acquitter annuellement.

    Le traité du 2 décembre 1856, signé par les Sieurs Jean Baptiste Louis Baron Gros et Camille Antoine Callier pour la France et par les Sieurs Don Francisco Maria Marin et Don Manuel de Monteverde et Bethancourt pour l'Espagne, délimite le Quinto Real Septentrional au Nord de la ligne de partage des eaux ou "Divisoria".
    L'article 7 précise que depuis "Lindus-balsacoa" la frontière "gagnera Lindusmunua et se rendra en ligne droite au pic d'Isterbeguy, et de là par une autre ligne à droite à Beorzubustan pour continuer ensuite par les crêtes jusqu'au col d'Ispeguy".
    L'article 15 précise qu' "Il est convenu en outre que les habitants de la vallée de Baïgorry auront la jouissance exclusive et perpétuelle des pâturages de la partie des Aldudes comprise entre la crête principale des Pyrénées et la ligne qui a été tracée dans l'article 7, de Lindusmunua à Beorzubustan, par Isterbeguy, comme divisant en cet endroit les deux Souverainetés.
    Le territoire dont le pâturage se donne à ferme perpétuelle aux Baïgorriens est celui qui circonscrit une ligne qui, partant de Beorzubustan, suivra la chaîne principale des Pyrénées déterminée par les hauteurs d'Hurisburu, Urtiaga, Ahadi, Odia, Iterumburu, Sorogaïna, Arcoleta, Berascoïnzar, Curuchespila, Bustarcortemendia et Lindusmunua pour se diriger de ce dernier point à Beorzubustan en passant par Isterbeguy.
    Les habitants de Baïgorry acquerront la jouissance exclusive et perpétuelle de ces pâturages moyennant une rente annuelle de huit mille francs, représentant au cours de dix-neuf réaux par pièce de cinq francs, une somme de trente mille quatre cents réaux de vellon, monnaie espagnole".
    L'article 16 précise que "Les vallées espagnoles propriétaires de ces territoires seront obligées, de leur côté, de ne rien changer à l'état dans lequel ces pâturages se trouvent aujourd'hui, et de ne faire aucun défrichement, aucune culture ni aucune construction dans le territoire de ces pâturages ni dans celui des bois.
    Pour la surveillance de ces pâturages et des troupeaux français les habitants de Baïgorry auront le droit de nommer des gardes assermentés qui, de concert avec les gardes espagnols assermentés aussi, veilleront ensemble et collectivement au maintien de l'ordre et à l'exécution des règlements en vigueur.
    Ces gardes seront tenus, en cas de délit ou de contravention aux règlements, de porter leurs plaintes devant l'autorité territoriale".
    Le Décret n°69-829 du 1er septembre 1969 portant publication de l'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Etat espagnol portant sur la jouissance exclusive et perpétuelle des pâturages du Pays-Quint, signé à Paris le 11 mars 1969 (Journal Officiel du 9 septembre 1969) et concernant le montant de la redevance annuelle payée par la France, en application de l'article 15, précise : "que le Gouvernement français accepte pour compter de l'année 1969, de porter cette somme à 60.000 F, étant convenu que le Gouvernement espagnol prendra de son côté les mesures nécessaires afin de rendre aux pâturages dont il s'agit leur superficie d'origine, réduite au cours du siècle écoulé d'environ un cinquième du fait de l'extension des surfaces boisées."

    L'annexe II de la convention additionnelle du 28 décembre 1858 au traité du 2 décembre 1856, signée par les Sieurs Charles-Victor Lobstein et Camille-Antoine Callier pour la France et par les Sieurs Don Francisco Maria Marin et Don Manuel Monteverde y Bethancourt pour l'Espagne, est "relative à la compascuité dans le versant méridional du Pays-Quint" dont elle fixera les limites et les conditions. L'article premier précise que "les vallées de Baztan et d'Erro accordent aux troupeaux de la vallée de Baïgorry, la compascuité avec ceux des Espagnols dans les terrains communaux et vagues du versant méridional de l'ancien Pays-Quint, moyennant un fermage que le Gouvernement de l'Empereur s'engage à prendre à sa charge et que le Trésor français aura à acquitter annuellement. Ce fermage sera fixé à l'amiable et pour une durée de quinze ans, divisée en trois périodes de cinq ans chacune". L'article 2  précise que "Le territoire de la compascuité sera circonscrit par une ligne qui, partant du col de Curuchespila, sur les confins méridionaux de l'ancien Pays-Quint, suivra, en se dirigeant vers l'ouest, la crête qui passe à Berascoinzar, Arcoleta, Sorogaïn, Iterumburu, Odia, Ahaddi, Ernacelaïeta, Urtiaga, le col d'Urtiaga, Ernalegui, Urisburu, et descendra sur les versants méridionaux pour passer par Gorosti, Segurrecolarea, Alcachury, Gambaleta, Presagaña, Zotalarreburua, Erroaguerri, Lizarchipi, Gorosgarate, Martingorribarrena, Lasturlarre, Lasturcoiturieta, Larreluceburua, et revenir à Curuchespila". Dans l'article 4, "les troupeaux de Baïgorry, moyennant le prix qui y sera stipulé de tant par tête, continueront à jouir des herbes et des eaux des terrains susmentionnés, de la même manière qu'ils en ont joui gratuitement jusqu'ici, pouvant par conséquent demeurer sur le terrain affermé, tant de jour que de nuit, et les pasteurs ayant le droit d'y construire, pour s'abriter, des cabanes en bois, en planches et en branchages, à la façon du pays, et des abris de même sorte pour y enfermer les troupeaux pendant la nuit". L'article 6 ajoute que "Les troupeaux de Baïgorry, pendant qu'ils jouiront de cette compascuité, seront soumis aux lois et conditions établies pour tous ceux qui sont admis par fermage dans les pâturages du pays, et les pasteurs seront considérés comme des étrangers de passage en Espagne : demeurant interdite en conséquence toute pratique qui serait contraire aux droits de souveraineté et de propriété de l'Espagne sur ce territoire. Conformément à l'article 17 du traité, les troupeaux et les pasteurs français qui se rendront dans le Quint méridional pour y jouir des pâturages qui leur seront affermés, n'auront à acquitter aucun droit de douane à leur passage à la frontière".
    L'annexe V de cette même convention additionnelle concerne le procès-verbal d'abornement réalisé sous la direction des Sieurs Jean-Baptiste-Valentin Hutin et Pierre-Gustave Baron Hulot pour la France et des Sieurs Don Angel Alvarez et Don Pedro Estevan pour l'Espagne. Le repère 130, qui est une borne, a été placé "A l'extrémité de Béourzou-boustan, et au petit sommet appelé Arrilucé ou Arluché" où la frontière laisse alors les crêtes et se dirige en ligne droite vers Isterbéguimounoua...  Le repère 141, une borne, a été placé "Au sommet d'Isterbégui-mounoua" où la frontière change de direction et va en ligne droite à Lindous-mounoua... Le repère 153, une borne, a été placé "Au sommet de Lindous-mounoua, au centre d'une redoute ruinée". Le repère 155, une borne, a été placé "au sommet le plus voisin de Lindous-balsacoa, nommé Lindousgoïtia, dont les eaux s'écoulent d'un côté dans la rivière de Valcarlos et de l'autre dans le ruisseau de Aguira qui va aux Aldudes."

      En 2009 la zone Nord ou septentrionale du Pays Quint ou Quinto Real ou Kintoa est toujours un territoire cédé à perpétuité par l'Espagne à la France contre une redevance annuelle. Situé en Espagne, il est habité par une trentaine de français qui payent la taxe d'habitation en France et les impôts fonciers en Espagne. Le courrier, le téléphone, et l'électricité sont du ressort de la France. La police et la douane sont espagnoles. L'entretien des routes dépend du syndic de la vallée de Baïgorry. Les faceries subsistent toujours. Une disgracieuse clôture de fil de fer barbelé marque les limites de ce territoire dont le point culminant est l'Adi ou Ahadi, avec ses 1458 mètres d'altitude.

    Un abornement du périmètre total du Pays Quint ou Quinto Real ou encore Kintoa, comprenant la zone Septentrionale et la zone méridionale, a été réalisé par l'état espagnol après l'abornement de la frontière franco-espagnole qui avait été réalisé en 1858 selon le traité de fixation des limites signé à Bayonne le 2 décembre 1856. L'abornement du Pays Quint ou Quinto Real ou encore Kintoa débute à l'endroit le plus septentrional pour continuer dans le sens des aiguilles d'une montre vers l'Est, le Sud, l'Ouest et le Nord. L'abornement numéro 1 correspond à la borne de la frontière internationale franco-espagnole numéro 130 dite de Behorsubuztan, située sur le petit sommet nommé Arrilucé ou Arluché (949 m) au Sud de Béorzou-boustan ou Behorsubuztan. L'abornement continue direction Sud-Est puis Est-Sud-Est en utilisant les repères de la frontière internationale franco-espagnole jusqu'au sommet de Lindus ou Lindux ou encore Lindous-mounoua (1220 m) où est située la borne de la frontière internationale franco-espagnole numéro 153, point le plus Oriental des limites du Pays Quint ou Quinto Real ou encore Kintoa et où l'abornement quitte la frontière internationale pour se diriger vers le Sud. Les bornes suivantes porteront une numérotation, qui commence à 25, accompagnée de la lettre "q" de Quintoa. Au sommet de Mendiaundi (1213 m) où est située la borne ou muga "35 q", la limite change de direction pour se diriger vers l'Ouest. Au sommet de Zotalarreburu ou Ollarmendi (1207 m), où est située la borne ou muga "64 q L", la limite prend une direction générale Nord pour se terminer à Behorsubuztan ou Béorzou-boustan.

    En 2013, j'ai effectué plusieurs randonnées dans le Quinto Real Nord et Sud afin de réaliser un inventaire des bornes encore existantes pour essayer de dresser une carte de ses limites.

    Voir les randonnées et galeries photos en Pays Quint ou Quinto Real ou Kintoa

    Voir galerie photos des limites Sud ou méridionales

    Voir galerie photos des limites Nord ou septentrionales

     


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